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Lefebvre Dalloz

Vers un calcul plus favorable des indemnités conventionnelles de rupture du contrat de travail ?

Dans l’exercice du mandat de représentant du personnel, il existe des situations difficiles à gérer, notamment quand il s’agit d’accompagner des salariés dont le licenciement est projeté. Tout élu de CSE, représentant (RS) ou délégué syndical (DS) qui a dû assister un salarié lors d’un entretien préalable à licenciement le sait bien. Il est difficile de faire revenir l’employeur sur sa décision, alors qu’elle n’est censée être prise qu’après avoir écouté le salarié lors de l’entretien.

RUPTURE CONTRAT TRAVAIL

L’expression populaire « le nerf de la guerre c’est l’argent ! » pourrait bien être une carte à jouer pour les représentants du personnel dans ces situations délicates…

Nous allons aujourd’hui nous intéresser à un arrêt (n° 22-18555) du 29 novembre 2023 de la chambre sociale de la Cour de cassation qui indique que les primes d’intéressement et de participation doivent être intégrées pour le calcul de l’indemnité conventionnelle de licenciement des salariés cadres de la Chimie.

Selon le secteur d’activité et le montant des primes versées, l’enjeu peut être important. Chaque convention collective doit ainsi être étudiée précisément par les représentants du personnel pour vérifier les modalités de calcul des indemnités de rupture du contrat de travail…

Les indemnités de licenciement pour les salariés cadres de la Chimie

Les indemnités de licenciement pour les salariés cadres de la Chimie doivent prendre en compte les primes d’intéressement et de participation.

Tout d’abord, pas de faux espoir de généralisation, l’intéressement et la participation sont exclus de l’assiette de calcul de l’indemnité légale de licenciement de longue date (Cass. soc. 8 juillet 1981, n° 79-40929).

Mais le débat se porte aujourd’hui sur les indemnités conventionnelles !

En effet, une convention collective qui organise une indemnisation spécifique du licenciement ou de rupture conventionnelle peut définir une assiette différente et plus favorable que celle prévue par les dispositions légales. Dans l’affaire jugée le 29 novembre 2023, la Cour de cassation devait s’interroger sur le cas de la convention collective nationale des industries chimiques.

Dans ce cas, un plan de départs volontaires prévoyait une indemnisation des départs. Pour le calcul de celle-ci, en particulier pour la détermination de l’assiette, le plan renvoyait simplement aux dispositions de la convention. A la suite de la rupture de leur contrat de travail, 12 salariés saisissent le conseil de prud’hommes pour demander que les primes d’intéressement et la participation soient intégrées au calcul de l’indemnité.

Ils obtiennent gain de cause.

Amenée à se prononcer sur le cas de cadres, la Cour analyse l’article 14 de l’avenant portantsur les règles spécifiques à cette catégorie de personnel.

L’article est rédigé comme suit : “Pour le calcul de cette rémunération entrent en ligne de compte, outre les appointements de base, les majorations relatives à la durée du travail, les avantages en nature, les primes de toute nature, y compris les primes à la productivité, les participations au chiffre d’affaires ou aux résultats, les indemnités n’ayant pas le caractère d’un remboursement de frais, les gratifications diverses ayant le caractère contractuel ou le fait d’un complément de rémunération annuelle, à l’exclusion des gratifications exceptionnelles”.

La Cour retient que l’intéressement et la participation, malgré leur spécificité, constituent “non seulement des primes de toute nature mais également des participations au chiffre d’affaires ou aux résultats”.

La convention des industries chimiques crée ici une catégorie particulièrement accueillante qui couvre l’intéressement et la participation. Ces derniers doivent donc être pris en compte pour le calcul de l’indemnité de rupture.

Une possibilité d’extension de cette solution pour des salariés couverts par d’autres conventions collectives ?

Cette décision est donc importante non seulement pour les intéressés relevant de la chimie, mais également pour tous salariés dont la convention serait rédigée en des termes qui pourraient être interprétés dans un sens analogue.

Toutefois, il convient d’être rigoureux et de préciser que tout dépend de la rédaction de la convention. Ne serait-ce que pour la branche de la chimie, les avenants relatifs aux ouvriers et aux employés, ainsi que l’avenant relatif aux agents de maîtrise, ne sont pas rédigés de la même façon. Ne faisant pas référence à la notion de prime et sans l’ouverture que comporte l’expression “prime de toute nature“, il est loin d’être acquis que la Cour se prononce dans le même sens.

La décision prend en compte une référence explicite aux primes et le caractère ample de cette référence. A défaut d’une telle mention, il conviendrait à notre sens de suivre le même raisonnement que pour l’indemnité légale conduisant à l’exclusion de l’intéressement et de la participation.

Enfin, il convient de respecter la lettre du texte. L’analyse n’est en aucun cas transposable à des conventions qui écarteraient explicitement ces éléments de l’assiette de calcul de l’indemnité conventionnelle de licenciement. 

Nous pouvons citer en exemple l’article 36 de la Convention collective de l’industrie pharmaceutique qui écarte expressément l’intéressement et la participation : “Pour le calcul de cette rémunération, entrent en ligne de compte, outre le salaire de base, les majorations relatives à la durée du travail, les avantages en nature, les primes de toute nature, y compris les primes de rendement, les primes à la productivité et la prime d’ancienneté, lorsqu’elle est attribuée au salarié, les participations au chiffre d’affaires ou aux résultats à l’exclusion de celles relatives à l’intéressement, la participation et l’épargne salariale, les gratifications diverses ayant le caractère contractuel ou de fait d’un complément de rémunération annuelle, à l’exclusion des gratifications exceptionnelles”.

Ainsi, retenons que :

Cette décision est favorable aux salariés relevant de l’avenant des cadres des industries chimiques, mais il ne faut pas surinterpréter l’arrêt en l’étendant à toutes les conventions collectives de branche, certaines excluant expressément l’intéressement et la participation de leur assiette de calcul.

Une analogie éventuelle sera possible sous le contrôle du juge, dans le cas où la rédaction de la convention fasse une référence suffisamment explicite et large aux primes, comparable à la présente mention des “primes de toute nature”.

La Cour de cassation ouvre ici un chemin intéressant mais qu’il s’agit d’emprunter avec rigueur.

Quelques exemples de convention collective qui pourraient être interprétées avec la même appréciation extensive

Sans être exhaustif, voici quelques conventions collectives qui pourraient bien être intéressantes à étudier sous cet angle du calcul de l’indemnité de licenciement (ou de rupture conventionnelle quand celle-ci opère un renvoi)

Convention collective des opérateurs de voyages et des guides du 19 avril 2022

19.4.2. Base de calcul de l’indemnité conventionnelle de licenciement
L’indemnité de licenciement se calcule sur la base de 1/12 de la rémunération brute des 12 derniers mois précédant le licenciement ou, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, 1/3 des 3 derniers mois, étant entendu que, dans tous les cas, tous les éléments de rémunération confondus sont pris en compte, qu’ils soient réguliers ou non, obligatoires ou non.
Toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel qui aurait été versée au salarié pendant cette période ne doit être prise en compte qu’au prorata temporis. »

Hospitalisation privée à but lucratif

Article 47 : Indemnité de licenciement 
c) Salaire de référence :
« Le salaire de référence à prendre en considération pour le calcul de cette indemnité est le 1/12 de la rémunération des 12 derniers mois précédant le licenciement ou, selon la formule la plus avantageuse, la moyenne des 3 derniers mois, étant précisé que toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel qui aurait été versée au salarié pendant cette période ne sera prise en compte que pro rata temporis. »

Nous ne saurions trop recommander aux élus de CSE, RS et DS, voire RP (Représentants de Proximité)  accompagnant des salariés lors d’entretien  préalable à licenciement de bien étudier la rédaction de la convention collective ou de l’accord collectif de groupe ou d’entreprise applicable. L’inclusion des primes issues de l’épargne salariale dans le salaire de référence servant d’assiette de calcul des indemnités de rupture du contrat de travail des salariés pourrait occasionner plusieurs milliers, voire dizaines de milliers d’euros à ajouter au calcul de l’employeur selon l’ancienneté, le montant de la rémunération et des primes pour un salarié visé par un licenciement !

Un autre élément à prendre en compte dans les indemnités à verser lors de la rupture du contrat de travail

En effet, les lectrices et lecteurs assidus aux newsletters de Memento CSE l’auront noté : ces derniers temps, plusieurs éléments pourraient amener l’employeur à devoir revoir le coût (et donc l’intérêt) d’un licenciement… Les élus de CSE, RS et DS seraient bien avisés de maîtriser ces éléments pour que les salariés qu’ils assistent ne soient pas lésés financièrement.

Nous avons ainsi vu récemment sur l’article Les droits à congés payés améliorés sur la base du droit européen que les salariés en arrêt maladie devaient cumuler des droits à congés payés depuis les arrêts de principe de la Cour de cassation du 13 septembre 2023. Les salariés absents plusieurs mois depuis les trois dernières années devraient donc attirer l’attention de leur employeur qui envisage de les licencier sur les indemnités compensatrices de congés dues en attendant que le Code du travail soit mis en adéquation avec le droit européen sur le sujet. Mais ce dernier point est un autre sujet qui fera très certainement l’objet d’une future lettre d’actualité…

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