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Subtilités dans l’utilisation des heures de délégation…

La Cour de Cassation a mis en relief certains aspects de l’utilisation des heures de délégation par les élus du CSE. Dépassement, liberté d’utilisation, temps de trajet… on vous dit tout !

Utilisation des heures de délégation

La présomption de bonne utilisation des heures de délégation inapplicable en cas de dépassement du crédit légal ou conventionnel

Selon l’article L. 2315-10 du code du travail, « Le temps passé en délégation est de plein droit considéré comme temps de travail et payé à l’échéance normale. L’employeur qui entend contester l’utilisation faite des heures de délégation saisit le juge judiciaire. ».

Cette disposition fait naître une présomption de bonne utilisation des heures de délégation comme l’a rappelé de longue date la chambre sociale de la Cour de cassation. Cette présomption de bonne utilisation signifie que les heures de délégation déclarées par le représentant du personnel sont présumées avoir été utilisées conformément au mandat et doivent donc être payées à l’échéance normale sans que l’employeur ne puisse exiger une justification préalable de leur bon usage ou usage conforme.

Mais attention, cette présomption n’est pas applicable aux heures qui dépassent le crédit d’heures légal ou conventionnel, pour « circonstances exceptionnelles » (C. trav., art. R. 2314-1 ; C. trav., art. R. 2315-4), correspondant à une « activité inhabituelle » selon la Cour de cassation, telles qu’une restructuration d’une grande ampleur, un conflit social ou un PSE.

C’est ainsi que récemment, la chambre sociale de la Cour de cassation a rappelé que, pour les heures prises au-delà du contingent fixé par la loi ou l’accord collectif applicable, il revient au salarié représentant du personnel d’établir l’existence de circonstances exceptionnelles justifiant un dépassement de ses heures de délégation, de même que la conformité de l’utilisation des heures excédentaires avec sa mission. En pratique, cela signifie que, contrairement aux heures intégrées au crédit d’heures, l’employeur peut vérifier l’existence de telles circonstances avant de payer ces heures (Cass. soc. 16-12-2020 n° 19-19.685).

L’utilisation doit être conforme au mandat d’élu de CSE qui ne peut consister à passer du temps à la recherche d’un perroquet…

Très récemment, la Cour de cassation a rappelé ce principe en se prononçant sur une affaire plutôt originale.
En l’espèce, un délégué syndical s’était absenté à 15h et avait déclaré, à son retour, 5h30 de délégation (soit la durée de son absence). La direction avait alors sanctionné son absence et l’abus dans l’utilisation des heures de délégation par une mise à pied disciplinaire de 3 jours.
Pourquoi cette sanction ? il s’est avéré que le délégué syndical avait adressé un mail à son supérieur hiérarchique le jour de son absence, en lui expliquant qu’il devait « s’absenter précipitamment en raison de la fuite de son perroquet hors de la cage ».
Les juges ont logiquement confirmé que l’absence du délégué syndical était liée à un motif personnel et que l’existence d’un abus dans l’exercice de son mandat et le manquement aux obligations professionnelles, à savoir l’abandon de poste, étaient donc bien reconnus, la mise à pied disciplinaire de 3 jours étant proportionnée aux faits reprochés.
Cette solution dégagée pour un délégué syndical est aussi applicable aux élus du CSE.

L’élu peut utiliser librement ses heures de délégation mais il doit être en mesure de le justifier quand il les utilise sur son temps de repos

L’élu choisit librement le moment où il va utiliser son crédit d’heures : l’employeur ne peut ni s’y opposer, ni juger de l’opportunité d’accorder ou non une autorisation.

Attention : L’administration a quand même précisé que les membres du CSE doivent prévenir l’employeur qu’ils quittent leur poste de travail pour partir en délégation : « la nécessité d’une information préalable de l’employeur sur les heures de départ et de retour des représentants du personnel permet la bonne marche de l’entreprise et la comptabilité des heures de délégation » (Circ. DRT no 13, 25 oct. 1983, JO 20 déc.).

Des dispositions conventionnelles peuvent aménager les modalités de départ des élus et instaurer par exemple un délai de prévenance ou encore un système de « bon de délégation ». Mais attention, celui-ci ne peut être légalement mis en place que par concertation préalable entre l’employeur et les représentants du personnel (Cass. crim., 12 avr. 1988, no 87-84.148).

Les élus pourront utiliser librement leurs heures de délégation, tant pendant l’horaire habituel de travail qu’en dehors de cet horaire, mais dans ce dernier cas, elles doivent l’être en raison des nécessités du mandat (Cass. soc., 20 janv. 1993, no 89-41.560).

Dans l’hypothèse d’une contestation par l’employeur de l’utilisation du crédit d’heures, c’est à l’intéressé de rapporter la preuve qu’il était obligé d’accomplir son mandat en dehors de son temps de travail : il doit prouver que les nécessités de son mandat le justifiaient (Cass. soc., 20 janv. 1993, no 89-41.560). Ces circonstances sont bien pour les juges liées aux contacts nécessaires avec des salariés ne travaillant pas selon les mêmes horaires que les représentants du personnel.

Encore récemment, les juges de la Cour de cassation ont rappelé ce principe dans une décision datant d’octobre 2020.

En l’espèce, un employeur demandait la condamnation d’un représentant du personnel, membre du CE et du CHSCT, à rembourser les sommes payées au titre des heures de délégation posées entre février 2013 et octobre 2015 en dehors du temps de travail, les dimanches et les jours fériés.

Le salarié quant à lui faisait valoir que l’utilisation des heures de délégation pendant le temps de travail, eu égard à une situation de sous-effectif chronique et volontaire, perturbait le fonctionnement de la société et agaçait ses collègues devant le remplacer.

Les juges de la Cour d’appel rejettent la demande de l’employeur en estimant que celui-ci ne démontrait pas que “le salarié pouvait exercer son mandat sur son temps de travail sans perturber le fonctionnement de l’entreprise”.

La Cour de Cassation casse cet arrêt. En effet, comme le rappellent les juges, “lorsqu’elles sont prises en dehors de l’horaire de travail en raison des nécessités du mandat, ces heures doivent être payées comme heures supplémentaires“. En conséquence, “il appartenait au salarié de justifier que la prise d’heures de délégation les dimanches et jours fériés, en dehors de son horaire de travail, était justifiée par les nécessités de ses mandats (Cass. Soc. 14-10-2020 n° 18-24.049), les difficultés dans la pose des heures de délégation durant le temps de travail ne sont pas une justification admise par les juges.

La liberté de déplacement en période de confinement et/ou de couvre-feu

Le Code du travail reconnaît aux membres élus du comité social et économique et aux représentants syndicaux au CSE le droit de se déplacer pour exercer leurs fonctions y compris hors de l’entreprise :

« Pour l’exercice de leurs fonctions, les membres élus de la délégation du personnel du comité social et économique et les représentants syndicaux au comité peuvent, durant les heures de délégation, se déplacer hors de l’entreprise.

Ils peuvent également, tant durant les heures de délégation qu’en dehors de leurs heures habituelles de travail, circuler librement dans l’entreprise et y prendre tous contacts nécessaires à l’accomplissement de leur mission, notamment auprès d’un salarié à son poste de travail, sous réserve de ne pas apporter de gêne importante à l’accomplissement du travail des salariés » (C. trav., art. L. 2315-14).

Le principe de la liberté de déplacement est d’ordre public. Cette liberté ne peut être restreinte ni par décision unilatérale de l’employeur, ni par le règlement intérieur de l’entreprise, ni par convention ou accord collectif.

L’élu du CSE n’est pas obligé d’indiquer sa destination ni de révéler l’identité des contacts qu’il compte prendre.

Pendant la période spécifique de confinement, le ministère du travail avait rappelé que les élus devaient pouvoir continuer à exercer utilement leurs missions (voir ici) :

« En situation d’état d’urgence sanitaire, au regard de leurs attributions en matière de santé sécurité et condition de travail, les élus du CSE, particulièrement ceux membres de la CSSCT, et les délégués syndicaux, doivent pouvoir continuer à exercer leurs missions à l’intérieur des entreprises dont l’activité n’est pas interrompue. Elles requièrent le maintien de leur liberté de circulation, reconnue d’ordre public.

Un tel déplacement sur site, que le délégué syndical ou le représentant du personnel considère comme ne pouvant être différé ou comme étant indispensable à l’exercice de ses missions, est regardé comme un déplacement professionnel.

Les modalités de circulation doivent être adaptées à la situation exceptionnelle. Ceci implique d’organiser les déplacements et les contacts avec les salariés, dans le respect des gestes barrières et des procédures mises en place dans l’entreprise, uniquement lorsque le délégué syndical ou le représentant du personnel considère que les moyens de communication à distance sont inopérants ou insuffisants.

Ces principes s’appliquent également lorsque le représentant du personnel est placé en activité partielle, la suspension du contrat de travail n’entraînant pas la suspension du mandat (cf. CE 13 novembre 1987, n° 68104, publié au recueil). L’élu au CSE placé en activité partielle continue ainsi de bénéficier de la garantie de protection au titre de son mandat ainsi que de son droit d’accès dans l’entreprise.

Pour assurer l’exercice de ce droit, l’employeur doit fournir un justificatif de déplacement professionnel permanent au représentant du personnel, qui devra être présenté avec un justificatif d’identité

Ces principes ont été appliqués lors du premier confinement par le TJ St Nazaire le 27 avril 2020 (ordonnance n°20/00071 ) qui a jugé que constitue un trouble manifestement illicite, le fait pour un employeur de restreindre l’accès et la circulation d’un délégué syndical sur le site de l’entreprise au motif des mesures d’urgence liées à la crise sanitaire, en lui refusant la délivrance d’une attestation d’autorisation de déplacement en violation de l’article L.2143-20 du code du travail, attestation par ailleurs délivrée à certains membres du CSE et à ceux de la CSSCT.

A notre sens, cette position devrait s’appliquer aussi pour la période de couvre-feu.

Le temps de trajet pour se rendre aux réunions plénières

Nous avons vu en début d’article que le temps de délégation est payé comme temps de travail (CT, art. L. 2315-10), les intéressés ne devant subir aucune perte de salaire du fait de l’exercice de leurs fonctions selon une jurisprudence constante.

Cette règle s’applique aux heures de délégation prises dans le cadre du crédit d’heures, ainsi qu’aux heures prises en sus de ce crédit en raison de circonstances exceptionnelles (si l’élu établit les éléments liés à cette activité inhabituelle comme indiqué précédemment).

L’employeur qui ne respecte pas ces règles commet un délit d’entrave (Cass. crim. 30-4-1996 n° 95-82.687).

Lorsque les heures de délégation sont prises en dehors de l’horaire normal de travail en raison des nécessités du mandat, leur paiement se fait en heures supplémentaires : elles ouvrent droit à la majoration (Cass. soc. 12-2-1991 n° 88-42.353 ; 21-11-2000 n° 98-40.730 ; 30-5-2007 n° 04-45.774) ou au repos compensateur de remplacement (Cass. soc. 9-10-2012 n° 11-23.167).

Une décision récente vient éclairer une zone grise, à savoir la prise en compte du temps de trajet des élus pour se rendre aux réunions convoquées par l’employeur.

Depuis 1997, la Cour de cassation considère que le temps de trajet effectué en exécution des fonctions représentatives des salariés doit être rémunéré lorsqu’il est pris en dehors de l’horaire normal de travail et dépasse en durée le temps normal de déplacement entre le domicile et le lieu de travail (Cass. soc. 30-9-1997 no 95-40.125).

Dans une décision en date de 2013, la Cour de cassation est venue rappeler ce principe :

« Mais attendu qu’il résulte de l’article L. 2315-3 du code du travail que le délégué du personnel ne devant subir aucune perte de rémunération en raison de l’exercice de son mandat, le temps de trajet, pris en dehors de l’horaire normal de travail et effectué en exécution des fonctions représentatives, doit être rémunéré comme du temps de travail effectif pour la part excédant le temps normal de déplacement entre le domicile et le lieu de travail »

Récemment, les juges de la Cour de cassation ont complété ce dispositif : le temps de trajet étant rémunéré comme du temps de travail effectif (pour la partie excédant le temps normal de déplacement entre le domicile et le lieu de travail), ce temps doit être pris en compte pour déterminer l’existence d’heures supplémentaires (Cass. soc. 27-1-2021 n° 19-22.038).

En l’espèce, la cour d’appel avait admis que le temps de trajet du représentant du personnel devait être rémunéré comme du temps de travail effectif mais sans être considéré comme tel sur le plan de la durée de travail et donc des heures supplémentaires.

La Cour de cassation casse cette décision : en adoptant cette position, la cour d’appel a violé le principe selon lequel les représentants du personnel ne doivent subir aucune perte de rémunération en raison de l’exercice de leur mandat. En conséquent, si les temps de trajet imposés par l’exercice de ce mandat excèdent les temps normaux domicile-travail, ils doivent être pris en compte pour apprécier si le seuil de déclenchement des heures supplémentaires a été atteint, et rémunérés comme tels.

Morale de l’article du mois : élu(e)s de CSE, si vous utilisez vos heures de délégation durant vos repos ou si vous dépassez votre crédit en cas de circonstances exceptionnelles, prenez la précaution de pouvoir les justifier au regard de votre mandat qui ne peut consister à rechercher son perroquet échappé de sa cage (sauf s’il vole pour se rendre à une réunion de CSE sur un autre lieu que votre lieu habituel de travail … Dans ce cas-là, n’en dites rien !)

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