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Politique sociale de l’entreprise : l’étendue du droit à l’information de l’expert-comptable du CSE

Dans deux arrêts du 19 avril dernier (n° 21-24.208 et n° 21-25.563), la Cour de cassation confirme sa jurisprudence sur le droit d’accès à l’information pour l’expert-comptable du CSE dans le cadre de la consultation sur la politique sociale et les conditions de travail de l’entreprise : l’expert peut exiger de l’employeur les informations nécessaires à l’exercice de sa mission, y compris individuelles et même concernant des cadres supérieurs, quand bien même elles ne figurent pas dans la BDESE.

L’étendue du droit à l’information de l’expert-comptable du CSE

Intérêt de ces arrêts

Cette solution mérite d’être rappelée car, avec la création du CSE, l’une des ordonnances Macron a modifié les dispositions relatives aux expertises comptables de l’instance représentative du personnel. De nombreux employeurs et leurs conseils y ont vu une brèche pour contester les investigations des experts des élus et ainsi limiter la transparence des rémunérations, notamment pour les plus hautes.

Les écarts de salaires entre cadres dirigeants et salariés sont, bien entendu, un enjeu emblématique de la répartition des richesses, de la valeur produite par l’ensemble des salariés d’une entreprise. C’est un sujet politique au niveau national. Un projet de loi adopté le 24 mai en Conseil des Ministres va être transmis à l’Assemblée Nationale. Il vise à transposer le timide Accord National Interprofessionnel « relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise » reposant sur l’attribution facilitée de primes exonérées de cotisations sociales et/ou d’impôt sur le revenu.

C’est aussi un sujet qui intéresse chaque élu de CSE d’une structure de plus de 50 salariés qui peut demander à y voir clair sur la politique sociale de la direction afin d’émettre un avis en toute connaissance de cause.

La logique du droit confirmée par la chambre sociale de la Cour de cassation

La Cour de cassation s’appuie dans son raisonnement sur trois articles du Code du travail :

  • L’article L.2315-91, qui donne le droit aux CSE de recourir à un expert-comptable dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l’entreprise,
  • L’article L2312-26, sur l’objet de cette consultation,
  • L’article L2315-83 qui porte sur l’obligation pour l’employeur de fournir à l’expert les informations nécessaires à l’exercice de sa mission.

La logique retenue par les juges s’appliquerait, à notre sens, aux autres consultations du CSE pour lesquelles l’instance peut recourir à un expert.

Il est important de le préciser car l’ordonnance « Macron » 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique a modifié de façon subtile les expertises du CSE. Elle a limité l’accès de l’expert-comptable aux mêmes documents que le commissaire aux comptes uniquement pour la consultation sur la situation économique et financière. De là à penser que l’expert était limité dans son pouvoir d’investigation sur les autres expertises, il n’y a qu’un pas que certains employeurs ont allègrement franchi, d’où la recrudescence de contentieux sur le sujet.

Mais la chambre sociale de la Cour de cassation a affirmé sa jurisprudence à plusieurs reprises. Dès lors que les informations demandées par l’expert n’excèdent pas sa mission légale, et qu’elles s’avèrent nécessaires à la réalisation de sa mission, elles doivent lui être transmises. Le droit d’accès de l’expert à l’information ne se limite donc pas au contenu de la BDESE.

Les juges, par ces décisions, confirment la place des experts du CSE et de la BDESE dans l’exercice du rôle économique « consultatif » du CSE.

Il est amusant de noter que l’ordonnance Macron a intégré les « expertises » dans le chapitre du Code du travail sur le « fonctionnement » du CSE tandis que la BDESE est logée dans le chapitre « attributions » du CSE de ce même code.

Les juges rétablissent ici la pleine utilité des moyens d’information et d’analyse du CSE au service de l’instance censée être un contre-pouvoir dans l’intérêt collectif des salariés vis-à-vis des décisions relatives à la marche générale, à l’organisation et à la gestion de l’entreprise (cf article L.2312-8 du Code du travail).

Les arguments développés par certains employeurs pour tenter de limiter l’accès à l’information de l’expert du CSE

Les employeurs sont souvent réticents à transmettre à l’expert des élus du CSE des informations individuelles portant notamment sur la rémunération des salariés, qui plus est, de cadres supérieurs.

Les directions mettent souvent en avant le fait qu’elles remplissent leurs obligations légales en transmettant les informations listées dans la BDESE (art. R2312-8 et 9 du Code du travail), incluant le bilan social dans les entreprises de plus de 300 salariés, dans le cadre de la consultation sur la politique sociale et les conditions de travail.

Les employeurs soutiennent que des informations individualisées ne sont pas utiles aux élus et à leur expert qui peut travailler à partir de données collectives avec des montants correspondant à des salaires moyens ou médians. Parfois ils vont jusqu’à dire que la transmission de ces informations porterait atteinte à la vie privée des salariés, aux règles sur la protection des données personnelles.

Un autre argument mis en avant par les DRH ou avocats des présidents de CSE s’appuie sur une jurisprudence constante : une entreprise n’a pas l’obligation de produire spécifiquement pour l’expert-comptable des documents qui n’existeraient pas, notamment lorsque la législation n’exige pas leur établissement. Le premier des 2 arrêts du 19 avril 2023 le rappelle à juste titre : « l’expert-comptable ne peut pas exiger la production de documents n’existant pas et dont l’établissement n’est pas obligatoire pour l’entreprise »

L’expert-comptable du CSE peut exiger que des informations individuelles lui soient fournies

Dans ce même arrêt, les juges suprêmes valident la décision de la Cour d’Appel imposant à l’employeur de transmette à l’expert-comptable du CSE les fichiers électroniques correspondant aux rémunérations avec les données individuelles suivantes : matricule, sexe, date de naissance, société d’origine avant fusion, service de rattachement, date d’entrée dans l’effectif de l’entreprise, date d’ancienneté, intitulé précis du poste, nature du contrat de travail et, le cas échéant, l’échéance de celui-ci.

Les juges précisent que les rémunérations doivent être détaillées selon : le salaire de base mensuel, les primes de 13e mois, de vacances, de fin d’année, d’ancienneté, les bonus et primes exceptionnelles, les avantages en nature… Autant dire que la liste d’informations dépasse de loin ce qui figure dans la BDESE que l’entreprise dispose de plus ou de moins de 300 salariés !

Les juges ont constaté que les fichiers électroniques existaient pour les ETAM (Employés, Techniciens, Agents de Maîtrise) et les cadres, ils devaient donc être transmis si l’expert les demande. Ceci est logique dans une société d’une taille suffisante pour bénéficier d’un service de paye au sein de la Direction des Ressources Humaines qui lui permet d’extraire les données utiles à l’expertise.

Les hauts magistrats confirment donc leur jurisprudence récente (Cass. soc. 23 mars 2022 n°20-17.186 FS-B ; Cass. soc. 18 mai2022 n°20-21.44 F-D) en rappelant que le contenu de la BDESE n’est pas le seul horizon de l’expert-comptable dans son pouvoir d’investigation au service des élus du CSE dans la consultation sur la politique sociale et les conditions de travail de l’entreprise.

La Cour confirme qu’« En application de l’article L. 2315-83 du même code du travail, l’employeur fournit à l’expert les informations nécessaires à l’exercice de sa mission. »

Dans le deuxième arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation opère le même raisonnement : « Ayant énoncé… que la production de ces données brutes s’avérait nécessaire à la réalisation de la mission d’analyse de l’expert portant sur la politique sociale de l’entreprise, notamment sur l’évolution des salaires et sur les informations et indicateurs chiffrés sur la situation comparée des hommes et des femmes pour chacune des catégories professionnelles de l’entreprise et que les informations retraitées et consolidées, seules produites par la société, étaient susceptibles de fausser l’analyse de l’expert, la cour d’appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision, peu important que les informations demandées ne soient pas au nombre de celles devant figurer dans le bilan social en application de l’article L. 2312-30 du code du travail ou dans la base de données économiques et sociales en application des articles L. 2312-36, R. 2312-9 et R. 2312-20 du code du travail. »

Dans les informations demandées par l’expert-comptable, jugées nécessaires par la Cour d’Appel, figurait une « extraction d’informations brutes, individuelles et anonymisées dont la communication est sollicitée par la société d’expertise comptable Syndex, pour les cadres de Niveau 9 et “HC” », y compris les données relatives aux sites et services de rattachement, et au libellé de l’emploi.

En clair, sauf abus, et dans les limites énoncées ci-dessus, c’est à l’expert de déterminer ce qui lui est nécessaire pour assister le CSE dans la consultation sur la politique sociale de l’entreprise, pas à l’employeur.

ATTENTION AUX NEGOCIATIONS POSSIBLES : Rappelons également que le contenu des consultations récurrentes et celui de la BDESE peuvent faire l’objet d’un accord collectif (art. L. 2312-19 1° et L. 2312-21 du Code du travail). Les limites de cette négociation sont très faibles, le texte exigeant timidement que la base de données négociée permette au CSE d’exercer utilement ses compétences…
Un tel accord peut donc dégrader fortement le rôle consultatif du CSE et la Cour de cassation juge que sa conclusion évince définitivement les dispositions “supplétives” du Code du travail qui seraient plus protectrices que l’accord, telles que celles mobilisées dans les décisions commentées ci-dessus (Cass. soc. 9 mars 2022, n° 20-19974). Aucun retour en arrière n’est possible : si vous avez négocié un accord, seules les dispositions de cet accord seront opposables au niveau des informations exigibles de votre employeur.
Il faut donc être TRES vigilant dans cette négociation qui peut cependant être utile si elle permet par exemple d’obtenir des informations adaptées à la taille et à la structure d’une entreprise dans un groupe pour la consultation sur les orientations stratégiques, ou encore dans le cadre des informations environnementales très générales, correspondant aux dernières évolutions du Code du travail sur la BDESE.

Ainsi, les élus disposent, au travers de l’expertise, d’un pouvoir d’investigation large sur la gestion de l’entreprise. Il porte notamment sur les « ressources humaines » au regard de la rentabilité économique et de la santé financière, à condition qu’un accord n’ait pas lié les mains des élus au préalable…

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