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Protection des lanceurs d’alerte dans l’entreprise : rôle du CSE

Dénoncer un acte illégal, voire criminel ou contraire aux intérêts du plus grand nombre, demande engagement et courage. C’est en particulier le cas lorsqu’un salarié devient lanceur d’alerte après avoir pris connaissance d’informations sensibles dans le cadre de son activité professionnelle. Le salarié est contractuellement placé sous la subordination juridique de l’employeur, qui peut prendre des sanctions à son encontre : licenciement, mutation, refus d’augmentation ou d’avancement… Il importe donc de le protéger contre ces éventuelles représailles. Depuis 6 ans, la législation française entreprend de constituer un statut protecteur, mais circonscrit, des lanceurs d’alerte.

Lanceurs d'alerte

En 2016, tout était à construire ou presque. Le législateur se trouvait face à des terres inexplorées, à l’exception de l’apport d’une jurisprudence encore très limitée. C’est dans ce contexte qu’est intervenue la loi n° 2016-1691, du 9 décembre 2016, relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (Loi « Sapin II »). Mais ce texte soulevait de nombreuses questions, notamment sur la définition du lanceur d’alerte, et recevait des critiques sur les modalités de la protection, comme l’obligation mettre en œuvre la procédure interne avant de saisir la justice, pour bénéficier de la protection.

A la suite de la directive européenne du 23 octobre 2019 (2019/1937), sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union, la législation nationale a évolué avec l’adoption de la loi du 21 mars 2022 (n° 2022-401) dont les dispositions entrent en vigueur le 1er septembre 2022.

Les élus de CSE sont concernés d’abord à titre informatif sur le contenu de cette loi et le renforcement des protections qu’elle met en œuvre et ensuite, au sujet de la nécessaire actualisation du règlement intérieur de l’entreprise qui devra donner lieu à une information-consultation de l’instance.

Évolution et renforcement de la protection : les éléments à connaître

Jusqu’à une période récente, les dispositifs de protection apparaissaient bien minces. Dans une affaire jugée en 2016 pour des faits datant de 2011 (Cass. soc. 30 juin 2016, n° 15-10557), la Cour de cassation faisait simplement référence à la liberté d’expression, telle que garantie par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (art. 10 §1). Ce cas portait sur le licenciement pour faute lourde d’un salarié qui avait dénoncé au Procureur de la République des agissements d’un membre du conseil d’administration et du président de l’association au sein de laquelle il travaillait. La Cour, sanctionnant l’employeur, retenait la nullité du licenciement et dessinait les conditions d’une protection des lanceurs d’alerte.

Cependant, cette jurisprudence est loin de constituer un régime complet et précis de protection. L’œuvre du législateur consistait donc à mettre en place un dispositif cadrant davantage le sujet. Le texte agit et évolue sur plusieurs leviers dont nous vous présentons l’essentiel.

Une nouvelle définition du lanceur d’alerte

Selon la nouvelle rédaction de l’article 6 de la Loi Sapin II, « Un lanceur d’alerte est une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, du droit de l’Union européenne, de la loi ou du règlement. Lorsque les informations n’ont pas été obtenues dans le cadre des activités professionnelles mentionnées au I de l’article 8, le lanceur d’alerte doit en avoir eu personnellement connaissance. »

Quelques faits marquants sur cette définition et ses principales évolutions :

  • La suppression de la référence à l’acte « désintéressé » pour s’en tenir à l’absence de contrepartie pécuniaire directe : l’abandon de la notion de désintéressement lié à des éléments financiers permet d’étendre la protection à ceux qui dénoncent les actes répréhensibles tout en étant victimes et ayant donc un intérêt à leur dénonciation ;
  • Lorsque la personne a connaissance des éléments dans le cadre de son travail, elle n’a pas l’obligation d’avoir personnellement constaté les faits faisant l’objet de l’alerte. Ainsi, un salarié pourrait bénéficier du statut protecteur du lanceur d’alerte en signalant des faits illicites dont il n’aurait pas eu personnellement connaissance, mais qui lui auraient été rapportés.  
  • La suppression de la « gravité » pour la violation des engagements internationaux : après des hésitations, liées au fait que cela étend le champ de la protection à des personnes qui dénonceraient des manquements mineurs, cette suppression a été actée.   

A noter : restent à l’écart de ce champ de protection ce qui relève du domaine de la défense nationale, du secret médical, des délibérations judiciaires, de l’instruction ou du secret professionnel de l’avocat.

Une nouvelle procédure de signalement 

Le nouveau dispositif ne soumet plus la protection à l’obligation de suivre un ordre précis de signalement, dans lequel le signalement interne (auprès du supérieur hiérarchique, direct ou indirect, de l’employeur ou d’un référent désigné par ce dernier) devait impérativement précéder le signalement externe (à l’autorité judiciaire, à l’autorité administrative ou aux ordres professionnels). La diffusion au public était cantonnée à l’échec de ces phases préalables.

Depuis le 1er septembre 2022, le lanceur d’alerte a la possibilité de saisir au choix l’un des deux premiers canaux d’alerte, à savoir le signalement interne à l’entreprise ou le signalement externe, sans ordre de priorité.  Outre les cas tels que celui d’un « danger grave et imminent », le lanceur d’alerte, dont les informations ont été obtenues dans le cadre de ses activités professionnelles, pourra également procéder à une divulgation publique directe sans avoir à justifier de leur gravité, en cas de « danger imminent ou manifeste pour l’intérêt général, notamment lorsqu’il existe une situation d’urgence ou un risque de préjudice irréversible ». 

Une protection étendue 

Le législateur a étendu le champ d’application de la protection à de nouvelles personnes : les facilitateurs et personnes en lien avec le lanceur d’alerte.  C’est par exemple le cas des salariés, des anciens salariés, des candidats à l’embauche ou des collaborateurs extérieurs ou occasionnels, etc.  

Deux cas nous semblent importants dans la perspective des élus de CSE

Les « facilitateurs, entendus comme toute personne physique ou toute personne morale de droit privé à but non lucratif qui aide un lanceur d’alerte à effectuer un signalement ou une divulgation […] »  sont protégés. Cela peut notamment concerner le CSE ou encore les organisations syndicales, ainsi que les représentants dans l’entreprise eux-mêmes (Délégués syndicaux et élus) qui accompagneraient un salarié dans sa démarche de lanceur d’alerte. Même si les élus et les délégués syndicaux bénéficient déjà d’un statut protecteur au titre de leur mandats, il peut exister des cas dans lesquels l’invocation du statut de lanceur d’alerte couvrirait de nouvelles hypothèses. On pense en particulier aux sanctions disciplinaires.

Ensuite, sont également protégées, les « personnes physiques en lien avec un lanceur d’alerte, […] » qui risquent de faire l’objet d’une mesure de représailles « dans le cadre de leurs activités professionnelles de la part de leur employeur, de leur client ou du destinataire de leurs services ». Cela concerne les proches du salarié mais aussi ses collègues. Ceci pour contre-carrer une éventuelle « chasse aux sorcières » dans l’entourage du salarié qui serait suspecté d’être à l’origine d’une fuite !

Une protection renforcée  

Plusieurs mesures protègent le lanceur d’alerte en cas de contentieux.  

La loi 2022-401 met en place une immunité civile (art. 6) 

Ainsi, les lanceurs d’alerte ne sont pas civilement responsables des dommages causés du fait de leur signalement ou de leur divulgation publique, dès lors qu’ils avaient des motifs raisonnables de croire, lorsqu’ils y ont procédé, que le signalement ou la divulgation publique de l’intégralité de ces informations était nécessaire à la sauvegarde des intérêts en cause. 

La loi renforce l’immunité pénale du lanceur d’alerte

Notamment lorsqu’il « porte atteinte à un secret protégé par la loi, dès lors que cette divulgation est nécessaire et proportionnée à la sauvegarde des intérêts en cause » et qu’elle « intervient dans le respect des conditions de signalement définies par la loi ». En outre, il est exonéré du détournement ou du recel des documents « dont il a eu connaissance de manière licite et qu’il signale ou divulgue ».

Pivot du dispositif, les mécanismes anti-représailles sont renforcés

En premier lieu, intervient l’interdiction des mesures discriminatoire à l’encontre du lanceur d’alerte, d’un facilitateur ou d’une personne en lien avec un lanceur d’alerte en matière de licenciement, de sanction, de recrutement, de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion, de mutation, etc. Le salarié victime de telles représailles peut solliciter la nullité de la mesure dont il a fait l’objet notamment en matière de licenciement. La loi modifie la liste des motifs de discrimination interdits aussi bien dans le Code du travail (article L. 1132-1) que dans le Code pénal (art. 225-1).

La charge de la preuve reste en faveur du salarié, celui-ci devant présenter des éléments « permettant de présumer » une mesure de rétorsion et qu’il remplit les conditions du lanceur d’alerte, faisant alors basculer sur l’employeur l’obligation de démontrer que sa décision était dûment justifiée.

En cas de litige, le lanceur d’alerte qui obtient la condamnation de son employeur pourra bénéficier, à titre complémentaire, d’un abondement de son compte personnel de formation (CPF) jusqu’au plafond majoré de 8000€, normalement applicable aux personnes peu qualifiées.

La nécessaire modification du règlement intérieur

Dans toute entreprise d’au moins 50 salariés, un règlement intérieur doit avoir été mis en place. Et depuis le 1er septembre 2022, chaque employeur concerné devrait l’avoir mis à jour pour rappeler au salariés l’existence du dispositif de protection des lanceurs d’alerte.

Cette actualisation du règlement intérieur doit aussi concerner les dispositions portant sur la protection des personnes contre le harcèlement sexuel et moral harmonisé avec le régime de protection des lanceurs d’alerte conformément à l’article L.1321-2 2° et 3° du Code du travail.

Le secrétaire du CSE peut donc demander que soit inscrit à l’ordre du jour une consultation du CSE sur le projet de modification du règlement intérieur si l’employeur ne l’a pas proposé sur une éventuelle réunion au mois d’août. La consultation du CSE est en effet obligatoire à chaque modification ou retrait des clauses du règlement intérieur (sauf si elle fait suite à une demande de l’inspection du travail) selon l’article L.1321-4 alinéa 4 du Code du travail. L’avis du CSE sera ensuite transmis à l’inspection du travail pour contrôle.

Le CSE doit également être consulté sur la procédure interne de recueil (qui peut être confiée à un tiers) et de traitement des signalements d’alerte. La procédure peut être commune avec d’autres entreprises dans les structures de moins de 250 salariés, ou pour les sociétés d’un même groupe. Lorsqu’il n’y a pas de procédure interne, les informations pourront être communiquées au supérieur hiérarchique direct ou indirect, à l’employeur ou à un référent désigné par celui-ci.

Le règlement intérieur doit ensuite être porté, par tout moyen, à la connaissance des personnes ayant accès aux lieux de travail ou aux locaux où se fait l’embauche (Code du travail, art. R. 1321-1). Ce sera l’occasion pour les élus de travailler sur la communication de l’instance de représentation des personnels afin d’informer les salariés de leurs nouveaux droits en la matière !

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